Voila l'été






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Comité poulpien : qui se cache derrière ?
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Un Solex bon pour la morgue


Levier de gaz débrayé à fond, en position de recherche de vitesse maximum, vent dans le dos, Gabriel avançait à peine plus vite que les péniches matinales qui croisaient le long du quai Henri-IV. Dire que l'antique Solex que lui avait déniché Pedro avait du mal à tirer ses quatre-vingt-dix kilos, plus sa besace accrochée au porte-bagages, relevait du pur euphémisme. La machine, un authentique S 3800 d'époque, sans frein à l'avant ni poignée de gaz tournante comme on en fit après, toussait, crachotait, s'emballait à la moindre bourrasque, le galet patinant à qui mieux mieux dès que la roue avant passait dans une flaque d'eau. Finalement, le coup du Solex n'était peut-être pas une si bonne idée que ça. Pour ce qu'il pressentait être une enquête de proximité délicate, le Poulpe avait voulu la jouer fine, genre étudiant attardé branché paranormal. Et puis le Soldo lui rappelait ses années de collège, époque où le monde était simple, séparé qu'il était entre les possesseurs de Kreidler, Malag et autres Gitane Testi, qui raflaient toutes les gonzesses, et les autres, qui ramaient, les mains pleines de cambouis, en faisant semblant de passer des vitesses sur leurs vieilles mobs.
Il soupçonnait néanmoins Pedro de lui avoir joué un tour à sa façon, rapport à leur altercation à propos du grand Miguel Indurain, qui pour lui, catalan pure souche, était un Dieu tutélaire et intouchable qui régnerait encore sur le cyclisme mondial pendant de longues années malgré sa retraite, alors que pour Gabriel, c'était un rouleur sans panache, incapable de gagner une étape du tour, qui n'arrivait même pas à hauteur de pédalier d'un Bahamontes ou d'un Ocana. D'ici que la pétoire qu'il lui avait refilée lui explose à la gueule à la moindre sollicitation, il n'y avait pas loin...

Le Poulpe arriva enfin à destination et béquilla son engin en face du 2, place Mazas. Il était six heures quarante-cinq et le personnel de nuit de l'Institut médico-légal n'allait pas tarder à sortir. Le tout était de ne pas rater Emmanuel Laxenaire, le surveillant qui s'était fait assommer et dont la photo avait été largement diffusée dans la presse, à défaut de celle des disparus.
Casquette vissée sur la tête, les mains bien au chaud dans les poches de sa large parka, le Poulpe patienta quelques instants, en savourant l'air piquant du petit matin et le lever du jour sur le pont d'Austerlitz. Puis la porte de l'Institut s'ouvrit et il s'approcha.
- Monsieur Laxenaire ? fit timidement le Poulpe en ôtant sa casquette et en essayant de paraître nettement moins que son mètre quatre-vingt-cinq.
- En personne, répondit un jeune type roux, en blouson de cuir.
- Vous avez cinq minutes ?
- Ça dépend pour quoi.
- Quelques questions autour d'un café. Je suis journa...
- J'ai déjà donné et je suis fatigué. Et puis, avoir ma photo partout ne m'amuse plus beaucoup.
Le Poulpe prit un air peiné et dit doucement :
- Je comprends, mais moi ce n'est pas pareil. Je m'intéresse uniquement à l'aspect télékinésique du phénomène.
- Téléquoi ?
- Télékinésique, le mouvement des corps ou des objets sans contact.
- Question contact, je peux vous dire qu'il y en a eu, répondit le jeune type en se grattant le crâne.
- Certes, en ce qui vous concerne, continua le Poulpe, baissant encore la voix et s'efforçant d'adopter les intonations sirupeuses d'un Mandarom sous Temesta. Mais vous ne pouvez nier qu'il subsiste une part de mystère dans cette affaire...
- Le seul mystère, c'est pourquoi on est venu nous piquer les cadavres de deux paumés du 18ème qui n'intéressent personne.
- Du 18ème ? Je croyais avoir lu qu'ils avaient été trouvés dans un square à Vincennes.
- N'importe quoi, ils racontent n'importe quoi. Je peux vous le dire, j'ai lu leur dossier. On les a ramassés square Sembat, même qu'ils habitaient juste à côté, cité Durêve ou Durel, quelque chose du genre...
Le Poulpe ne put réprimer un léger sourire. Le rouquin s'était fait avoir comme un bleu, la fatigue sans doute.
- Bien, monsieur Laxenaire, je ne veux pas vous embêter plus longtemps. Pour le café, ça sera pour une autre fois. Bonne journée et merci.
Le rouquin le regarda un peu surpris, se demandant sans doute s'il avait affaire à un rigolo ou à un véritable cinglé, puis il haussa les épaules et se détourna.
Le Poulpe abaissa le moteur du Solex, parcourut une dizaine de mètres en trois enjambées pour lancer le moulin, sauta sur la selle qui gémit sous le choc et mit le cap au Nord en sifflotant, genoux au menton et coudes en aile d'avion.


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