Voila l'été






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Comité poulpien : qui se cache derrière ?
Pourquoi Zombi la mouche en direct

Saqueurs saqués


L'immeuble de la rue Bonnet avait été évacué dans la nuit et les habitants hébergés chez des voisins. Le plan de bataille était relativement simple : laisser les gros bras monter dans les étages, les prendre à revers en leur coupant toute possibilité de fuite et puis leur tomber dessus ! Ils étaient une petite douzaine pour ça, répartie en trois groupes par étage. Il fallait espérer que ça serait suffisant... L'effet de surprise, en tout cas, jouerait en leur faveur.
Tandis qu'ils attendaient les vigiles, Daniel et Khams racontèrent à Gabriel les intimidations précédentes dont ils avaient été l'objet. Trois appartements avaient été murés durant l'été, pendant l'absence des locataires. En septembre, en pleine nuit, quatre hommes cagoulés avaient répandu dans l'escalier un liquide toxique et inflammable. Panique générale. Heureusement, un occupant les avait surpris et mis en fuite, avant que l'incendie ne s'étende, mais l'électricité avait été coupée et tout le monde avait passé la nuit dehors. Bref, tout avait été mis en œuvre pour les faire craquer. Inutile de dire que malgré les plaintes, les autorités n'avaient pas bougé le petit doigt... Gabriel leur expliqua qu'il ne fallait rien espérer de ce côté-là. Pour ce qu'il en savait, dans la plupart des situations les flics étaient complices avec les videurs. Moyennant quelques biftons, disons dix mille francs pour la caisse noire du commissariat d'arrondissement, les flics s'arrangeaient pour laisser une demi-heure aux casseurs avant d'intervenir, sans se presser. Résultat, ils arrivaient... mais trop tard ! Une fois la démolition ou l'expulsion sauvage effectuée... Une sorte de permis de tuer en quelque sorte, comme il en avait été accordé à des sociétés de surveillance pour "nettoyer" des lieux stratégiques comme la Défense, les Halles ou les Champs-Élysées...
Pour patienter, chacun y alla de sa petite anecdote, révélatrice de la pourriture des méthodes... Khams raconta qu'il avait un pote, marrant mais peu recommandable, qui avait travaillé chez Protec, une boîte de gardiennage spécialisée dans les opérations de "dératisation". Fervent adepte de paint-ball, il passait ses week-ends à tirer sur ses petits copains dans les bois de Saint-Cucupha, et il disposait pour ses interventions musclées de gum-ball et de lacrymo aux piments rouges, spécialement conçues pour incommoder les Blacks dont les glandes lacrymales réagissaient peu aux gaz ordinaires... À pleurer de rire, en effet.
À cinq heures trente précisément, une dizaine d'hommes, dont certains cagoulés, se présentèrent devant le 35 rue Bonnet. Vêtus de bombers sombres et de brassards fluos, ils avaient l'air de faux flics déguisés en faux ninjas. L'heure n'était plus à la rigolade, les visages fatigués par une nuit sans sommeil étaient tendus et les mains crispées sur les armes de fortune. Le Poulpe, qui n'avait que ses poings pour se défendre, regarda par la fenêtre et vit les types entrer par le jardin en silence, puis disparaître dans l'entrée de l'immeuble, dont la porte était pourtant verrouillée -visiblement ils avaient les clefs...
Le saccage commença dès le rez-de-chaussée. Ils entendirent les portes voler en éclats, des bruits de masse ou de coups de pied contre les murs. Les rares objets de valeur avaient été débarrassés mais les types devaient s'acharner sur les meubles et les éviers... Gabriel espérait que le groupe qui était planqué dans le local à poubelles ne céderait pas à l'impulsion et respecterait le plan établi...
Il n'eut pas à se poser la question longtemps. Trente secondes plus tard, deux balèzes jaillirent dans l'atelier. Khams en cueillit un d'un coup de batte magique sur la tempe gauche, tandis que le Poulpe fracassait le nez de l'autre d'un mawashi-geri à la Canto. Sans attendre, ils se lancèrent dans l'escalier, qui puait déjà la lacrymo. Ils n'avaient pas atteint l'étage du dessus qu'ils entendirent les deux balèzes sur leurs talons. Le Poulpe n'en crut pas ses oreilles. Ils avaient frappé de toute leur force. Ils auraient pu rester groggy un moment, quand même ! "Ces mecs doivent avoir le crâne en béton", pensa-t-il. Qu'à cela ne tienne... Il laissa Khams et Daniel filer en haut pour épauler les autres et fit volte-face. Puis il saisit la rampe, prit de l'élan et se propulsa dans l'escalier au moment où les deux lourds arrivaient. Ses pieds s'enfoncèrent dans la cage thoracique du premier, qui valdingua en arrière emportant l'autre dans sa chute. Profitant de la vitesse acquise, le Poulpe suivit le mouvement et finit le travail à pieds joints, écrasant les visages avec une joie non dissimulée. Il n'avait plus qu'à les faire rouler jusqu'en bas. Deux sur la touche !
Gabriel regrimpa aussi sec. Le match était loin d'être gagné. À peine arrivé sur le palier du deuxième, un autre bomber lui tomba dessus en criant "Enculé, j'vais te bouffer !". Le bras gauche serré autour de son cou, il commença à l'étrangler, tout en cherchant de l'autre main à l'asperger de gaz. Gabriel lui flanqua deux bons coups de coude dans les côtes pour lui faire desserrer son étreinte. Puis il fléchit les genoux, lança sa jambe droite en arrière et souleva son agresseur par l'entrejambe. O-soto-gari. Pas impeccablement exécuté, mais suffisant pour envoyer le bomber s'écraser dans le mur. Et de trois !
Le Poulpe prit le temps de souffler un peu et tenta d'évaluer la situation. Ça bastonnait et ça gueulait dans tous les sens. Un certain nombre de gamins étaient sur le carreau mais il ignorait combien exactement, si bien qu'il était difficile de se faire une idée de l'issue du combat. En plus, l'atmosphère commençait à être irrespirable, de sorte que les combattants n'allaient pas tarder à être obligés de plier bagage...
Le cri de Khams mit fin à ses réflexions.
- Oh ! Vite ! Daniel est coinceman là-haut !
Le Poulpe gravit les escaliers quatre à quatre, enjambant deux cagoulés inertes. Ça faisait cinq à son compteur personnel... Les petits jeunes ne se débrouillaient pas si mal ! Arrivé au dernier étage, il se rua dans l'appartement qui était ouvert. Retranchés dans un coin de la chambre, Daniel et Karim hurlaient en chœur en jetant sur trois bombers tout ce qui leur tombait sous la main, lampes, vases, bouquins, etc. Un cadre photo passa à trois centimètres de la tête du Poulpe et alla s'éclater contre le chambranle de la porte. Khams de son côté, tel le morpion, était agrippé au dos d'un des assaillants et valsait d'un bout à l'autre de la pièce sans lâcher prise. La suite des événements stupéfia Gabriel. L'un des bombers, faisant fi du feu nourri d'objets volant non identifiés, fonça telle une boule de feu sur Daniel, le projetant violemment contre la fenêtre. "Non, putain, non !" cria Daniel tandis que les vitres cédaient. Ils partirent tous les deux à la renverse avant que personne ne puisse réagir. Les combattants restèrent pétrifiés. Le Poulpe en profita pour saisir par la cagoule les deux vigiles restant et joua au bowling avec leur foutue caboche qui, hormis quelques petits craquements d'os brisés, sonnèrent complètement creux. Remis de leur effarement, Khams et Karim se penchèrent à la fenêtre, appelant Daniel.
- Daniel ! Daniel ! T'es mort ? cria Karim.
- Merde, écrase imbécile, répondit Khams.
Gabriel se pencha à son tour. Ils étaient tombés deux étages plus bas sur le toit d'une remise. Ouf ! Ils bougeaient. Le bomber se remit même assez rapidement d'aplomb, obéissant tel un automate au coup de sifflet de l'un ses comparses qui signifiait sans doute l'ordre de se replier. Il se laissa couler le long du mur de la remise et rejoignit en clopinant le reste de la bande. Décidément, ces mecs étaient vraiment indestructibles... Le Poulpe se retourna et vit ceux qu'il avait assommés se relever péniblement et gagner la cage d'escalier.
- On refffiendra, bande d'enculés, on refffiendra... menaça l'un d'eux, en crachant quelques chicots.
- Vous serez toujours les bienfffenus, ironisa le Poulpe.
Le cagoulé fit un pas dans sa direction mais l'autre le tira par le blouson.
- Viens, on dégage...
De bons petits soldats. Parfaitement entraînés et disciplinés. Mais cette fois-ci, ils étaient tombés sur un os. De poulpe.
Gabriel laissa Khams et Karim retrouver les autres et s'occuper de Daniel. Il ne tenait pas à être dans les parages quand la cavalerie arriverait, en retard comme de bien entendu...
Avant qu'il ne parte, Khams le prit par l'épaule.
- Merci, mec, dit-il visiblement ému, sans toi...
- T'inquiète, répondit Gabriel. T'auras certainement l'occasion de m'aider à ton tour d'ici peu...


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