Voila l'été






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Comité poulpien : qui se cache derrière ?
Pourquoi Zombi la mouche en direct

La proie des ténèbres


Deux jours passèrent sans qu'aucun événement notable ne vienne bouleverser son petit train-train de clodo moyen : roupillon sous un porche, éclusage systématique de bibine, changement de place, re-roupillon, discussion à bâtons rompus avec un arbre, re-éclusage, etc., jusqu'au dodo final emmitouflé dans son sac de couchage.
Apparemment, personne n'avait fait le rapprochement entre ce nouvel habitant du quartier et Gabriel. Les Caseneuve devaient certainement se demander où il était passé. Il avait d'ailleurs croisé à plusieurs reprises Drissa et son frère, sans que ceux-ci ne lui prêtent la moindre attention. Preuve que son déguisement fonctionnait parfaitement. Preuve aussi, hélas, que la vue d'un SDF de plus ou de moins ne bouleversait plus personne, surtout à la Moskowa...

- On ne t'a pas oublié ! fit une voix grotesque en plein milieu de la troisième nuit.
S'agissait-il bien d'une voix, d'ailleurs ? On aurait dit un souffle de vent qui venait des caves. Un frisson d'angoisse remonta comme un reptile le long de la colonne du Poulpe.
- Qui est là ? demanda-t-il nerveusement.
Personne ne répondit et une ombre bougea dans le couloir. Gabriel fit un pas en avant.
- Qui est là ? J'ai dit...
L'ombre se mit à trembler. Se fondit puis se reforma le long des parois suintantes. Il s'agissait d'un homme de grande taille. Sa silhouette lui paraissait familière au point d'en être inquiétante.
Gabriel cligna des yeux et suivit du regard l'ombre dont la taille rapetissait puis augmentait à la lueur de la lune. Elle se dirigeait vers les caves. Pris de panique, Gabriel sortit de l'immeuble en courant et remonta la cité Durel aussi vite que ses jambes le lui permettaient.
Brusquement, il se sentit stupide. Ce n'était certainement pas une voix qu'il avait entendue, mais un courant d'air. Et la silhouette qu'il avait vue n'était que le fruit de son imagination. Pour s'en persuader, il fit demi-tour et regagna le couloir de l'immeuble. Rien.
C'est à ce moment qu'il entendit derrière lui comme des pas traînants. Tout ce que je dois faire, se dit-il, c'est me retourner, et il n'y aura personne, ou bien peut-être un chien errant... Mais il n'en avait pas la force. Au fond de lui-même, il savait que ce serait autre chose. Les pas derrière lui avaient momentanément cessé, comme si on l'examinait. Mais maintenant ils avaient repris. Et il entendait le bruit d'une respiration. On semblait vouloir le pousser vers les caves. Il était sans volonté. Il ouvrit la porte et entama la descente sans oser se retourner. Plus il descendait, plus sa respiration était saccadée, tout comme celle de ce qui se trouvait derrière lui. L'escalier était sans fin et au fur et à mesure, les marches se désagrégeaient sous ses pieds. Au bout, l'appelant telle une balise, une lueur maladive grandissait. Sentant que ce qui le suivait se rapprochait de plus en plus, prêt à s'élancer et à s'emparer de lui, il trouva un second souffle et se mit à dévaler la pente en courant. Arrivé en bas, comme par enchantement, la lumière lui donna le courage de se retourner et il vit... le vide. Rien qu'un banal escalier qui grimpait en tournant. Avec des marches normales, bien solides. Il s'appuya contre le mur voûté, essayant de retrouver son souffle. Son visage se détendit. Il se laissa tomber à terre en riant de lui-même.
Quel abruti tu fais, se dit-il.
À ce moment, un rugissement long et hanté remplit la cave et lui glaça les sangs. La tête de Joseph Caseneuve, à moitié décomposée, apparut à côté de lui, grimaçante, la bouche entrouverte sur les ténèbres, les dents dont on voyait les racines prêtes à mordre...

Gabriel fit un bond et se cogna contre le mur du couloir. Son cœur battait dans sa poitrine comme un jeune poulain furieux dans son enclos. Il se frotta les yeux et regarda autour de lui en essayant de retrouver son calme. Rien ne clochait. Quel cauchemar à la con ! Voilà qu'il rêvait de zombi à présent... Peut-être que Gérard avait raison. Avec l'âge, il devenait sensible, délicat. Trop de bière aussi, peut-être.
Il faisait presque jour dehors, inutile donc de penser à se rendormir. Il se leva, plia son paquetage et sortit à la recherche d'un rade ouvert en pestant contre tous les morts vivants de la terre...


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