Chers amis poulpiens, si vous êtes un peu perspicaces, vous aurez remarqué que ce site n'est plus mis à jour. D'où ce côté un peu "old school" de la maquette.
Mais l'Encornet vous invite à suivre son nouveau blog intitulé
Le grenier : toute la nostalgie du futur, avec de vrais morceaux de passé.
Mise à jour : |
Et maintenant retour vers le Poulpe, le Vrai
Le Pied de Porc à la Sainte-Scolasse, c'est le bistrot de Gérard et de Maria, de Vlad (leur aide-cuisinier roumain semi-clandestin et chirurgien à ses heures) mais également de Léon, le chien amorphe et indispensable. Le patron s'appelait Gérard, un éternel en pétard et natif de l'Orne, région pluvieuse et au bord du Gouffre, un ruisseau où baignent les jeunes filles. Sa femme répondait au gentil nom de Maria. Signe de virginité en Espagne. Et les pieds de porc n'étaient plus ce qu'ils furent, la preuve, Gérard servait souvent des frites à la graisse d'oie qu'il faisait venir de Lyon. Ca lui pesait sur l'estomac et il braillait en cuisine que les légumes se vendaient mieux que les pieds de porc, l'époque perdait le goût et le monde foutait le camp. Maria haussait les épaules, elle avait l'habitude de rincer son mari à grande eau, les Latines d'outre-Loire ont du tempérament. (79) Le Pied de porc c'est "sur terre, un îlot de paix que la bourse de Tokyo néglige, et réciproquement". (54) Gabriel s'en est fait son point d'ancrage et ne pourrait pas commencer une journée sans consulter son
Parisien autrefois libéré. Gabriel passait invariablement trois quarts d'heure à lire le journal et les faits-divers. Là-dessus s'enclenchait toujours une âpre discussion sur la portée de ces événements macabres, l'un traitant l'autre d'abruti qui n'y connaissait rien et l'autre assenant à l'un qu'il était trop con pour ne pas avoir lu entre les lignes. Pour Gérard, ces tranches de malheur étaient le signe de la connerie des gens, pour Gabriel c'était la preuve que le monde allait très mal. Les clients, habitués ou non, assistant à ces joutes verbales, avaient la délicieuse impression d'être au Palais Bourbon, un jour de grand débat. (1) Ce rade du 11ème était le seul endroit au monde qui pouvait lui donner l'impression d'être un grillon au foyer ; ce café-restaurant était pour lui le seul endroit au monde où il se sentait un Maître. Maître d'école, lorsqu'il expliquait le monde à Léon, le chien. Maître queux, lorsque Gérard lui racontait sa recette de pied de porc. Maître à dépenser des pots de bière. (93) "Vous connaissez ce restaurant du 11ème. on y cultive le truisme, l'altruisme, le pied de truie, l'infarctus, la cirrhose, le gibolin, le goudron, la petite musette, le cancer des poumons, du larynx, et chaque jour je me dis que je n' remettrais plus les pieds, mais ce sont mes pieds qui m'y conduisent tout seul. Tout seul, c'était le mot." (20) Le décor : un bric-à-brac pas possible dans un environnement somme toute assez... traditionnel Le menu écrit à même la vitre du café restaurant Au Pied de Porc à la Sainte-Scolasse, au blanc d'Espagne, sans prétention et sans racolage, comme si le patron n'avait pas besoin de pub, se contentait d'annoncer, par tradition, ce qu'il offrait aujourd'hui. (34) Tout ici le réconfortait : les lampes orange, les tables vernies, les chaises paillées en plastique, le zinc, si traditionnel, si sûr de ses ancêtres, le papier peint marron -" tapissé partout, même dans les toilettes ", comme le chantait Bobby Lapointe-, les plantes en pots que la patronne entretenait de sa voix espagnole, de ses jotas emplies à ras bord de duende et de tendresse, la bête mais attendrissante carte postale où s'affichait la place de la mairie de Sainte-Scolasse. Tout cela faisait si chaud au cour que le Poulpe se sentait chez lui, le seul chez lui qu'il connût vraiment, avec l'appartement de Cheryl, sa douce, rue Popincourt. (93) Lampes orange, papier peint marron clair à gros motifs, douze kalankoé sur les tables, une énorme photo murale de la place de la mairie de Sainte-Scolasse (8) Chaise qui proposait un savant paillage hyperréaliste moulé dans du plastique orange millésimé 1967 (32) Collection privée de houblons brassés qu'il réservait à ses meilleurs clients, et néanmoins amis. (32) Et pour bientôt : Guy Peellaert ferait pour le restau une fresque représentant l'histoire de la cochonnaille à Sainte-Scolasse à travers les âges (dixit Gérard). (109) Gabriel et les cafés : une grande histoire d'amour et d'habitude Mais pourquoi le Pied de Porc? Parce que c'était lui, parce que c'était lui. Zone délimitée par l'avenue Ledru-Rollin, la rue de Charonne et la Place Léon Blum était un coin de l'univers qu'il pouvait raisonnablement revendiquer pour sien. (4) Seul endroit au monde qui pouvait lui donner l'impression d'être chez lui. (4) Ce sentiment tient peut-être plus à l'accueil qu'à la bouffe. Gabriel mâchonna son croissant industriel qui avait un petit air de déjà-vu : la viennoiserie traînait dans le panier depuis la veille de son départ. (32) - Un grand crème et deux croissants. Pas ceux d'hier de préférence. Atmosphères, atmosphères... Le rade du seul Alençonais fréquentable de Paris commençait à ressembler à
une annexe officieuse de l'ANPE. Sans y croire, une dizaine de types se cherchaient un salariat salvateur problématique
dans les annonces classées des journaux du soir. L'Assedic offrait encore la bière, le RMI, les petits
noirs. Derrière son comptoir en zinc, Gérard pérorait sur la marche du monde et, a cappella,
Maria se refaisait sans complexe l'ouverture de Carmen dans l'arrière-cuisine. Bizet mutait popu, c'était
autrement émouvant qu'un gazouillis radiophonique.- Toréador... Le débit de boisson venait d'essuyer le deuxième coup de feu de la journée, la pause des brigadiers du centre de tri de Charonne. Gérard, le patron, était occupé à raccommoder avec de l'albuplast les coins d'une vieille carte postale noir et blanc. Place de la mairie, Sainte-Scolasse-sur-Sarthe, Orne. Gros grain passé. A l'image de Gérard, qui l'avait traversée des centaines de fois, cette fichue place. La même photo, agrandie au 1/25ème, occupait tout un pan de mur, dans la salle du restaurant. (12) Ici le banal avait trop d'expérience. Les danseurs de flamenco
de la carte postale en relief punaisée sous le baromètre s'en portaient garants. Tout corps étranger
plongé dans le bistrot en absorbait la farouche philosophie du rien. Et même les pires soubresauts
de la planète qui, chevauchant un courant d'air, se faufilaient dans la salle à la suite d'un client.
L'odeur poisseuse du tabac assommait la rumeur. La gelée du pied de porc engluait le débat. Ordinairement, Gérard fermait pendant la période du 15 août. Cette année, tous les esseulés du quartier se rassemblaient derrière le zinc du Pied de Porc. Dans la soirée, à l'heure où les bistros se transforment en hôpitaux psychiatriques, la nouvelle clientèle côtoyait les vieilles épaves, offrant à l'estaminet une étoile supplémentaire à la rubrique "snobinards". (74) Et Sainte-Scolasse, c'est où? c'est quoi? Son bistrot, en plus, avait un nom pas croyable, le blaze impossible pour donner un rendez-vous. "Au pied de Porc à la Sainte-Scolasse". Recette célèbre d'une petite ville de l'Orne d'où était, bien entendu, originaire, le patron. (1) Et c'est malin (oui c'est vraiment malin), le restau gagne à être plus connu. Bravo Pouy : D'habitude, les membres ostentatoires du Tout-Paris médiatique, ne fréquentaient pas le Pied de Porc à la Sainte-Scolasse avant midi et demi. C'était l'heure à laquelle ils venaient là pour s'encanailler un peu, manger rustique et campagnard, avant de se remettre pendant trois semaines aux carottes râpées et aux brocolis vapeur , manière d'expier l'excès. (125) Et au dessus du restau, c'est comme çà : |