- "Je peux garder la photo de la petite?", s'inquiéta Gabriel, se référant au jeune âge de la trader en pompes de luxe plus qu'à sa réduction d'un quart
- "Tout ce que vous voulez !" répondit le vieux que ces séances de fouille-neurones commençaient visiblement à fatiguer. "Mais si vous voulez lui parler, armez-vous de patience. V'là des lustres que j'attends de ses nouvelles et toujours rien."
Sans se hâter, Gabriel glissa le carton décoloré dans sa poche revolver et s'en alla. Sans trop prêter attention au grand-père Roger qui, pour se mettre lui aussi à l'heure sportive, replongea le nez dans un ballon de rouge.
- "Des Christine en veux-tu et en voilà, des Nike par ci et des Nike par là, ça fait beaucoup de coïncidences" songea encore Gabriel. Il comprit qu'il avait du pain sur la planche, qu'il ne reverrait pas sa coiffeuse favorite de sitôt, qu'il lui faudrait remettre à demain et même après leurs bruyantes séances d'équitation dans le paddock de la chambre rose. Plutôt que sniffer les froufrous de Cheryl, il allait pointer le bout du museau sous le maillot sans doute pas très propre de l'Union Sportive de Eglantiers, abandonner l'idée de pieds de porc au déjeuner et s'intéresser de plus près aux 39 fillette des danseuses de claquettes de l'ancien club sportif.
Mais peut-être se trompait-il, peut-être les deux filles ne se connaissaient-elles pas, peut-être le destin voulait-il juste s'amuser. Se tournant vers l'ancêtre qui, bien sûr, s'était endormi depuis longtemps, Gabriel balança un haïku de circonstance :
"L'oiseau a des ailes
le polikarpov aussi
ils ne sont pas frères"
Gabriel le trouvait bien, il le nota sur un bout de papier et sourit.
Joël M., Liège
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