Au clair de la lune...






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Comité poulpien : qui se cache derrière ?


Dans son dernier ouvrage, Le goût de la vérité, DD met les pieds dans le plat et accuse Gilles Perrault d'avoir eu quelques liaisons dangereuses avec le révisionnisme. Nous n'avons pas lu le bouquin, mais comme il fait l'objet de nombreuses réactions dans la presse, nous en reproduisons trois.



Oui, Didier Daeninckx a raison de dénoncer les relations de Gilles Perrault avec les négationnistes. Ce n'est pas une vaine polémique
Que Perrault s'explique

Un certain Gérard de Nerval pensait à juste titre que l'ignorance ne s'apprend pas. J'ajouterai qu'elle n'excuse rien non plus. Ainsi, pour avoir lu (dans les années 70) les Parachutistes de Gilles Perrault à l'aune de son Orchestre rouge et du respect qu'il m'inspirait, je n'ai pas vu ou pas voulu voir, à l'époque, que le para volontaire pour l'Algérie y faisait l'éloge de ses chefs tortionnaires. Pour cela, je plaide coupable. Ainsi encore, en 1989, quand paraît un ouvrage intitulé l'antiterrorisme en France, que Gilles Perrault préface en rappelant que son auteur a été "directeur de la Banquise et du Brise-Glace, revues extrémistes très confidentielles ...", j'ignore tout de ces deux revues. Depuis, j'ai eu l'occasion de lire quelques-unes de leurs extrémités confidentielles telles que "les chambres à gaz sont, au minimum, issues de l'imaginaire des déportés". Je ne demande pas pardon pour cette ignorance. Je plaide coupable.
Un an plus tard, en pleine guerre du Golfe, je signe avec quelques autres un appel en faveur de Gilles Perrault qu'un ministre de la justice à prétentions socialistes voulait embastiller. En 1991, je rencontre enfin Gilles Perrault, qui illustre encore pour moi, au plus près, la fameuse expression de Zola : "Une société n'est forte que lorsqu'elle met la vérité sous la grande lumière du soleil". J'étais, semble-t-il, loin du compte. Mais j'ignorais toujours. Je plaide coupable. D'autant qu'en 1987 avait paru un ouvrage de Peter Sichrovsky, Naître coupable, naître victime, préfacé par Gilles Perrault, où notre homme, s'il s'en prenait avec force aux généraux Massu ("ordonnateur de la terreur") et Bigeard ("chef des tortionnaires"), autrement dit à ceux-là mêmes dont il se réclamait dans les Parachutistes en les citant aux côtés de Brasillach et de von Salomon, ne se privait pas, dans le même paragraphe de plaindre le dauphin de Hitler: "Rudolf Hess, quant à lui, captif avant même que fumât la première cheminée d'Auschwitz, a fini sa vie misérable après un enfermement de près d'un demi-siècle." A cette époque, je n'avais pu m'empêcher (tout de même!) de souligner ces mots au rouge, et puis je n'y avais plus prêté cas. C'est sans doute que l'image de la star médiatique ajoutée aux combats "visibles" de l'écrivain avaient aidé à tempérer en moi la réalité de l'homme. Je n'aurais pas dû, alors, remiser cette préface au magasin des accessoires. Je plaide coupable.
Toutefois, neuf ans plus tard, en juin 1996, la préface qu'il consacre à un ouvrage intitulé Libertaires et ultragauche contre le négationnisme pousse trop loin un de ses bouchons pour que l'on puisse faire l'impasse. "L'ouvrage que l'on va lire, explique Perrault, fait le point sur le parcours politique des auteurs et d'un certain nombre de leurs camarades. Il se signale par une propension à l'autocritique qu'on souhaiterait trouver chez ceux qui se veulent leurs procureurs (... ). Qu'on les assimile à la crapule révisionniste, voilà ce qui leur fait à juste titre horreur! ont-ils jamais témoigné de l'antisémitisme rabique qui est le signe distinctif de la secte?" Voici donc un bref extrait de cet édifiant témoignage d'autocritique: "Les extrémistes de la Shoah, par leur volonté de faire servir l'histoire à la promotion de leurs thèses mystiques et à la justification de la politique de l'Etat d'Israël font beaucoup de mal à la recherche historique, notamment en avalisant des témoins douteux comme Elie Wiesel..." C'est de là, de ce mois de juin 1996, qu'a démarré ce qu'on a faussement désigné comme l'"affaire Daeninckx-Perrault" en la réduisant (à tort ou sciemment) à un règlement de comptes au sein du petit monde doncamillesque du polar parisien. Mais il ne s'agit ici ni de polar ni de parisianisme. Pas plus que ce n'est Didier Daeninckx qui a attaqué Gilles Perrault (pourquoi cette obstination chez certains à réviser les faits?) mais bien Perrault qui s'en est pris à Didier Daeninckx (dans sa préface sans le nommer, puis dans le Monde du 8 juin en le désignant).
C'est de là que Didier Daeninckx est parti pour tenter de reconstituer le puzzle Perrault. Jusqu'alors, il n'avait fait que répondre aux mensonges d'un quarteron de négationnistes fort mal repentis, dont Perrault, incompréhensiblement, venait de prendre la défense dans sa préface. Le Goût de la vérité de Didier Daeninckx (éd. Verdier) est une minutieuse et terrible démonstration. Que certains procèdent à de pleutres amalgames (on calomnie les Aubrac, alors Daeninckx calomnie Perrault, c'est dans l'air du temps) [...] ou que des auteurs vindicatifs profitent de l'occasion pour essayer de discréditer Daeninckx au motif qu'il leur fait de l'ombre n'éclairent pas le problème. Il l'obscurcit et, ce faisant, distrait (par ignorance ou à dessein) le citoyen de cette vérité dont le coût semble en effrayer plus d'un. "Il vient toujours un moment dans l'histoire, observait Albert Camus, où celui qui ose dire que deux et deux font quatre est puni de mort. La question n'est pas de savoir quelle est la récompense ou la punition qui attend ce raisonnement. La question est de savoir si deux et deux, oui ou non, font quatre." J'ai lu ou relu les écrits incriminés de Perrault. J'ai lu en parallèle le Goût de la vérité de Didier Daeninckx. Et, pour ma part, jusqu'à preuve du contraire, deux et deux (hélas !) font bel et bien quatre. C'est à Gilles Perrault de s'expliquer, de nous expliquer...

Par Robert Deleuse
(prochain Poulpe : La bête au bois dormant - 92)
Libération du 4 décembre 1997




Lettre ouverte à celui qui assassine ses anciens amis de l'ultragauche
Daeninckx en un combat douteux

Une atmosphère particulièrement désagréable règne actuellement, non seulement dans le petit milieu des auteurs de polars parisiens, mais dans celui, plus large, des amateurs de cette littérature et du "peuple de gauche" des bibliothèques, des comités d'entreprise et des associations. On ne parle plus que de la "polémique" qui oppose Didier Daeninckx à quelques anciens de I'ultragauche qu'il accuse de révisionnisme, voire d'antisémitisme, et à ceux qui ne partagent pas son interprétation des faits et des textes. La dernière étape de ce combat douteux est le pamphlet que Didier Daeninckx vient de publier (le Goût de la vérité, éd. Verdier) et dont David Dufresne a fort bien rendu compte dans Libération. Dans ce brûlot, Daeninckx assassine non seulement Gilles Perrault, pour avoir pris la défense des accusés, mais un certain nombre de ses anciens amis. C'est sans ménagement, sans nuances, qu'il procède à ces exécutions en règle, et aussi sans mémoire. Comme s'il était frappé d'amnésie, au point d'oublier tout ce qui le rapprochait, hier, de ceux qu'il dénonce aujourd'hui. Le seul fait de ne pas avoir accepté de le suivre dans sa croisade semble suffisant à ses yeux pour prononcer la condamnation.
Nous avions été un certain nombre à croire que les liens d'amitié et d'estime qui nous unissaient à Didier Daeninckx seraient de nature à le faire hésiter et nous avions fraternellement essayé de le dissuader de poursuivre cette aventure. Nous pensions, avec une certaine naïveté, que les prises de position de personnages aussi peu suspects de révisionnisme que Vidal-Naquet, Maurice Rajsfus, Jean-François Vilar, Thierry Jonquet et bien d'autres le conduiraient à remettre ses certitudes en cause et sa prose incendiaire dans son tiroir. Il n'en a rien été, et nous sommes aujourd'hui encore plus nombreux à être consternés par la lecture d'un texte où Didier Daeninckx s'en prend pêle-mêle à des positions politiques jugées par lui incorrectes et à des individus. Le ton même de certaines de ces attaques et de ces insinuations laisse pantois. A Untel, il est reproché d'avoir travaillé dans une entreprise dont le patron a collaboré avec l'occupant nazi, à tel autre d'occuper un local qui a servi de chambre de torture sous l'occupation. Quand, emporté par son élan polémique, Daeninckx reproche à Gilles Perrault, entre mille autres accusations, d'avoir fréquenté un certain écrivain russe (plus ou moins agent du KGB et qui ne s'en cachait pas), faut-il avoir la cruauté de rappeler qu'il rêvait lui-même - tout haut et suffisamment fort pour que nous soyons nombreux à nous en souvenir - de voir ses oeuvres diffusées grâce à lui à des millions d'exemplaires dans l'URSS gorbatchévienne? Quand il se lance dans une douteuse psychanalyse de Perrault et passe au crible la sexualité de l'un de ses personnages de roman, doit-on lui demander ce qu'il penserait d'un tel procédé employé par tout autre que lui? On a sincèrement du mal à croire que l'auteur de Meurtre pour mémoire est le même que celui du Goût de la vérité. La sagesse commanderait de demeurer à l'écart de ce déballage, en se disant que mieux vaut après tout ne se fâcher avec personne, si l'honneur d'hommes que nous côtoyons n'était pas en cause. Peut-on sans réagir laisser mettre ainsi au ban d'infamie des amis ou de simples relations, même si l'on est loin de partager leurs positions passées ou actuelles?
Au risque de se brouiller avec un ami, il faut donc bien dire à Didier Daeninckx les choses comme elles sont. Tu es en train de marquer des buts contre ton propre camp, Didier. Et les authentiques révisionnistes, ceux que tu prétends combattre, se tiennent les côtes devant le spectacle ridicule que tu donnes, et que nous donnons tous hélas! puisque cette triste affaire empoisonne tout un milieu. Ta réaction initiale, refuser de voir un de tes livres figurer dans une collection qui aurait abrité un suppôt de Faurisson, est à ton honneur. Mais il aurait fallu t'assurer que tu ne commettais pas une erreur d'interprétation avant de foncer bille en tête. Les gens ont tout de même le droit de changer dans le bon sens, et la nature du crime que tu leur imputes est discutable et discutée. Les rodomontades et les provocations littéraires de 1'ultragauche, même sous leurs aspects les plus déplaisants, comme les phrases issues de publications vieilles de dix ou quinze ans que tu ressasses ou la lamentable collection lancée par Quadruppani, ne peuvent pas être confondues avec des écrits négationnistes et antisémites. Une étude sérieuse de l'histoire de ces courants aurait dû t'en convaincre. L'escalade de la polémique et le refus d'envisager, ne serait-ce que une seconde, la possibilité d'avoir tort t'ont conduit dans l'impasse où tu te trouves. A livrer une bataille absurde, tu gaspilles le capital de confiance et de sympathie gagné par des livres et des positions courageuses, alors qu'il y a tant d'autres chats à fouetter, tant de véritables scandales à dénoncer, tant de personnages qui mériteraient que tu t'attardes sur leur passé et surtout sur leur présent, au lieu de t'en prendre à ceux de tes anciens compagnons. Certes, nous dis-tu, la crainte de "désespérer Billancourt" ne te détournera pas de ta mission purificatrice. On se renforce en s'épurant. Air connu. Mais, pour le moment, tu ne désespères que tes amis. Et je crois me faire l'interprète de nombre d'entre eux en te demandant instamment d'arrêter les frais.

Par Gérard Delteil
Libération du 11 novembre 1997




Mises au point

La publication, par les éditions Verdier, d'un livre de Didier Daeninckx, le Goût de la vérité, prétendant démasquer Gilles Perrault comme une "figure de la dissimulation" et insinuant qu'il pourrait "être d'accord" avec 1'ultragauche négationniste, appelle de notre part trois remarques.
1. D'abord sur la méthode. Pour parvenir à son but, Didier Daeninckx procède à un montage de citations, hors contexte, hors temps, mélangeant tout sans tenir compte des évolutions des différents protagonistes. Faut-il rappeler que l'évolution de Gilles Perrault, c'est aussi ses écrits contribuant à l'abolition de la peine de mort, à la disparition du bagne de Tazmamart de "notre ami le roi", qu'il a par ses actes mobilisé contre la dette lors de "Ça suffat comme ci" et contre le fascisme lors de la création de Ras l'front. Cela n'est pas rien.
2. Ensuite, Didier Daeninckx s'en prend, entre autres, à la LCR. Sa "haute direction" aurait ainsi choisi de se taire lorsque Gilles Perrault se retrouva sur la liste "Régions et peuples solidaires", en compagnie de groupuscules d'extrême droite flamand et alsacien. Outre que ladite liste était dominée par des militants progressistes bretons, basques et corses, Daeninckx oublie simplement que Rouge du 19 mai 1994 pointait le caractère "douteux" de certains candidats et que la Ligue n'apporta aucun soutien à cette initiative. Par ailleurs, il est évoqué qu'une brochure, confiée à notre imprimerie, sur les tristes accointances entre "Rouges" et "Bruns", a été scandaleusement amputée d'un passage d'un article du Canard enchaîné mettant en cause les dérapages antisémites de Renaud. Sauf que Didier Daeninckx omet de signaler que cette publication émanait des "Artistes anti-Le Pen" et que la LCR n'avait aucune responsabilité dans le choix des textes remis à Rotographie et dans les coupes qui y auraient été effectuées.
3. Contrairement à ce qu'insinue Daeninckx, la LCR a l'habitude de dire ce qu'elle pense sans couvrir quiconque. C'est en ce sens que Rouge du 20 juin 1996 indiquait que Gilles Perrault avait eu tort de cautionner le dernier livre de Serge Quadruppani et Gilles Dauvé, au risque de "voir assimiler abusivement sa préface aux engagements passés et aux ambiguïtés présentes des auteurs". Nous le maintenons. Pour en rester là, nous ne pouvons que constater les effets désagrégateurs d'une telle polémique sur le mouvement antifasciste dont le rassemblement est une nécessité vitale contre le premier danger de l'heure, Le Pen et le Front national.

Par Raphaël Duffleaux
Rouge du 6 novembre 1997