Mise à jour :
27 septembre 1998
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> Au fin fond de l'ouest armoricain, sur une vicinale du diable, Michel Gourlaouen, un local décalé, se fait dessouder au bazooka. Parce qu'il en savait trop, ou pas assez, sur certains trafics indigènes qui vont de malle en pire. Tout le monde s'en fout, sauf le Poulpe, plus que jamais assoiffé de libertinage justicier.
Un western breton, sans la queue d'un cow-boy ni la plume d'un indien.
Par Gérard Lefort
Le fait divers
Dans la nuit de jeudi à vendredi, près de Pont-Croix (Sud Finistère), au lieu-dit Trémaria, Michel Gourlaouen, 38 ans, célibataire, ouvrier électricien domicilié à Beuzec, a été assassiné au volant de sa voiturette électrique par un tir d'arme lourde non encore identifiée.
Ouest-France
"Non, un gusse qui se fait éparpiller à l'arme lourde sur une vicinale du bout du diable, ça n'est pas une navrante affaire, c'est au mieux, un coup très pourri." |
"Un Poulpe au paradis. Gabriel, vu son prénom d'ange, avait imaginé quelque chose de plus Las Vegas : un grand escalier de marbre blanc, avec des filles en cow-boys et le grand orchestre de Cole Porter qui jouait Night and Day. Et puis Cheryl, toute nue sur une immense méridienne tapissée en léopard, en train de se masser doucement les seins, et qui lui faisait signe de la rejoindre. Le Poulpe en eut un début d'érection. Or un Poulpe qui bande, c'est un Poulpe qui doute. Et un Poulpe qui doute, ça n'est pas tout à fait un Poulpe mort." p.81
Du côté de la critique...
"Un Poulpe sur le sentier de la guerre, l'attaque de Fort Apache à côté, c'était une partie de jokari." Après mille et une aventures, après Paul Vecchiali et Romain Goupil (en l'an 2000, qui n'aura pas écrit son épisode ?), voici Le Poulpe au Far-Ouest, version Gérard Lefort, journaliste à Libération et chroniqueur sur Canal Plus. Dans une série où l'on trouve à boire et à manger, sa recette du Poulpe à l'armoricaine est un régal. L'imagination totalement débridée, la plume mordante et allègre, Lefort pilote pied au plancher une intrigue tout en dérapages contrôlés. De digressions sur le "régionalisme en chaleur" et "toute cette sorte d'enculeries en sabots de bois " en dégagements sur les problèmes de "l'indéfrisable qui vire à l'accident de brushing" ou les rapports entre Malebranche et Tintin, son invention fait feu de tout bois pour percuter les mots, exploser le récit ou allumer les dialogues: "Si on te demande, tu diras que tu n'as rien vu ni entendu, tu regardais les infos sur TF1. " C'est drôle, pétillant, brillantissime. Du Poulpe à cette sauce-là, on en redemande.
Le Monde, 4 avril 1997.
Leformidable !
Pour beaucoup d'adolescents exilés au fin fond d'une morne et peu compréhensive province, Gérard Lefort aura été, au fil de ses articles dans " Libération ", la petite lumière rose au fond du tunnel. Quand il n'enchantait pas carrément leur samedi avec "Son Passé les bornes y a plus de limites" sur France inter, décryptage alternatif, pratique et campissime de l'actualité, invitant un garçon en chandail même par les grosses chaleurs - aka Laurent Bon - à théoriser sur tous les tracas capillaires, vestimentaires ou amoureux auxquels le jeune garçon moderne était confronté au cours de sa vie... Cette fois-ci, Gérard dont on peut vérifier dans " La Grande Famille" sur Canal + qu'il ne fait - absolument, certainement, vraiment, considérablement, n'en jetez plus - pas son âge, s'attaque au polar avec un nouvel épisode du Poulpe. Le principe du Poulpe - roman policier de gare dans la plus noble acceptation du terme - est simple. Chaque épisode est écrit par une personne différente qui s'engage à respecter certaines obligations du genre. Ici, Lefort fait fort n'hésitant pas à envoyer Le Poulpe semer la zizanie dans un bar gay de Quimper ou à lui inventer une passade homosexuelle de jeunesse, histoire de cul techniquement correcte, mais qui foirera au petit déjeuner quand le type - bourru, mais Ginette - avait cru bon de l'appeler mon pigeon. Or, Le Poulpe même s'il se définit comme pédé dans la tête, ne supporte vraiment les pigeons que bardés et farcis au coup de pied. "Vomi soit qui malle y pense" est jubilatoire dans sa façon d'envoyer le Poulpe foutre la merde chez une bande de réacs attardés du Finistère (actualité, actualité...) et Gérard Lefort prend un malin plaisir à faire l'idiote : l'écriture est châtiée, et les répliques sont cinglantes, alternant références au cinéma, à Tintin ou plus naturellement à une follitude de bon aloi.
Têtu, Avril 1997.
Quand Lefort fait ses gammes au biniou...
Un type qui fait rire, et parfois peur. C'est un des critiques de cinéma les plus talentueux et assassins, qu'aucune réputation n'impressionne, capable d'affronter seul avec son petit stylo les plus puissants panzer de la production et les généraux les plus ombrageux du royaume des arts. Il a donc beaucoup d'ennemis, qui vont se ruer avec l'impatience sadique du fantasme vengeur sur son premier roman, plaisamment intitulé - par anticipation prudente ? - "Vomi soit qui malle y pense". Un petit polar, dans l'excellente collection Le Poulpe, situé dans une Bretagne cabocharde et chatouilleuse de la gâchette, où, pour une histoire de malle au trésor, des échevelés locaux se refont à coups de bazooka la raie sur le côté. Dans cette agréable fantasia, le souci de crédibilité n'étouffe pas Lefort. Le scénario n'entre dans le vif du sujet qu'à la page 49 (sur 130 !), et ses personnages ne sont pas raccord. Ils parlent tous exactement de la même façon. Seulement voilà : cette façon-là est réjouissante, pleine de mots d'auteur et de gondolantes métaphores. Très inventif, le style lefortesque.
Alors, non: nous ne vomirons ni ne honnirons.
Gilles Chenaille. Elle, 12 mai 1997.
Le Poulpe vomit le vert-de-gris
"Le Poulpe avait l'esprit d'escalier, mais là il venait de rater plusieurs marches." Voilà résumé en quelques mots un certain esprit dans lequel a été écrit Vomi soit qui malle y pense, dernier épisode des aventures tentaculaires. Des marches, Gabriel Lecouvreur va en manger tout au long de ces pages: Cheryl l'accuse de pomper ses répliques dans du Barbara Cartland; le professeur expert ès Malebranche lui rive son clou au chapitre tintinophilie; à propos de clou, le Poulpe pense faire son malin en donnant des Bretons la définition suivante: "Je ne vaux pas un clou mais ce clou servira quand même à me crucifier. Et si possible en Cinémascope"; mais il se retrouve en pays bigouden embringué dans une sale histoire à laquelle il ne comprendra rien à rien. L'intrigue se résoudra malgré lui et présente le mérite, à l'arrière-plan, de faire resurgir le passé collabo de certains nostalgiques en celtitude. Ajoutons, sans prétendre être exhaustif, un nouveau détail biographique qui atténue son côté macho: Gaby révèle enfin avoir eu accès aux mystères des amours masculines. A Clermont-Ferrand. Tout cela, accompagné de quelques clins d'oeil aux fondateurs des aventures poulpiennes, est ma foi fort délectable.
"Vomi soit, etc." est signé Gérard Lefort, cher homme qui vous citera Racine avant d'enchaîner sur la curieuse pédagogie d'un prof de français faisant apprendre par coeur "Andromaque" à ses élèves mâles, "sauf les rôles féminins"... Etonnez-vous: un, que pareil homme cultive les colonnes d'un confrère (Libération) et deux, qu'il ait une tournure d'esprit assez drolatique (qui, soit dit en passant, l'a fait virer de France-Inter où il sévissait le samedi matin).
Michel Guilloux. L'Humanité, 28 mars 1997.
"Super Gaby"(dans le texte) est de retour. Dans le Far Ouest armoricain, Michel Gourlaouen, alcoolique notoire et fils de famille dévoyé, est tué au bazooka. Tout esbaudi de retourner au pays de ses vertes vacances enfantines, voilà le Poulpe qui joue aux Indiens et aux voleurs, boit du thé dans un gobelet rouge en forme de tête de mort, est enterré vivant et sauvé in extremis par la plus charmante des marquises bretonnes, ornithologue un peu hippie, un peu gauchiste.
Gérard LEFORT, pour l'infinie délectation du lecteur, a tiré la veine contestataire de la série vers la fantaisie et l'humour grâce à une écriture jubilatoire. Ce qui n'étonnera guère les habitués des pages cinéma de Libération.
Maria Courtade, Les Crimes de l'année, 7, mars 1998.
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Impressions
"Il fallait s'y attendre avec Gérard Lefort, c'est l'humour qui frappe à notre porte. Et ça fonctionne plutôt bien. D'autant plus que l'intrigue policière plutôt lâche au début s'étoffe au fil des pages. La fièvre monte dans la deuxième partie. Dans le genre "Finistère terre de contrastes", on n'est pas déçu. Un vrai western. Et puis il y a cette belle phrase de Malebranche : "Dans l'amour ce n'est pas tant qu'on soit hors de soi, mais plutôt tout son soi qui devient un dehors."
Raymond, Montpellier
"Gérard Lefort a incontestablement exploré le personnage de Gabriel dans ses plus extrêmes limites. On le connaissait déjà grand-susceptible, anarchiste et séducteur, mais là ! mort-vivant et ex-tintinophile-déviant ! Quelle révélation !"
Marie-Claude, Paris 12ème
"Lefort c'est fort en poulpe !"
Philomène Lankette, Paris 11ème
"Pas terrible..."
Cyril, Paris 11ème
Ce que l'auteur pense du Poulpe et du sien :
"Le Poulpe? On avait perdu la veine du roman contestataire. La revoilà bien dans une époque qui
revoit des mouvements protestataires sans bien savoir contre qui au juste on proteste. C'est un type de littérature qui vient après quatorze ans de socialisme : il transpire de cette nostalgie d'une période plus claire, quand aujourd'hui être de gauche l'est moins qu'être de droite voire d'extrême droite. Mais c'est une bonne nouvelle : quand on demande aux gens d'écrire intelligemment, ils écrivent."
Propos recueillis par Michel Guilloux, L'Humanité, 28 mars 1997.
Les indiscrétions du cyber-poulpe... Bien qu'il ait été dans un temps révolu danseuse à Bali (l'information vient de l'intéressé lui-même), nous savons de source communiste que la Cornouaille accueille sa résidence secondaire
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