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la Cité, les tribus et l’anthropologie

olivier roumieux - décembre 2001 (Archimag)

Rendons grâce à Pierre Lévy d’avoir esquissé, au milieu des années quatre-vingt dix du siècle dernier, une « anthropologie du cyberspace ». Bien avant d’emprunter des accents messianiques regrettables dans son ouvrage "World philosophy", le philosophe présentait dans l’incontournable "L’intelligence collective" quatre espaces anthropologiques structurant l’humanité : la Terre, le Territoire, l’espace des Marchandises et l’espace du Savoir, ce dernier étant en devenir. Loin d’être de simples strates successives, ces espaces continuent à vivre, s’interpénètrent, se rappellent régulièrement à notre bon souvenir. L’avènement de la nouvelle Cité des Archives nationales, dont le lieu d’édification devrait être connu en janvier (lire p. 21), est un très bon exemple des relations complexes qu’entretiennent ces différents espaces. Les Archives nationales représentent en effet une partie importante de notre Savoir collectif. Depuis de nombreuses années, cette institution ne dispose plus d’assez d’espace pour stocker les pièces qui matérialisent ce savoir : il faut construire un nouveau bâtiment solidement ancré sur Terre. Pour faire entendre cette revendication, plusieurs tribus – les archivistes, les historiens et les généalogistes – décident au début de l’année de rapprocher leurs Territoires professionnels. Problème : une telle affaire nécessite des investissements financiers difficiles à obtenir dans un espace des Marchandises peu généreux. Le dénouement semble pourtant approcher grâce à l’intervention heureuse d’un des plus puissants représentants du Territoire national, le Premier ministre. J’entends dès lors les mauvaises langues persifler : il existerait dans nos sociétés un rituel qui transcende les quatre espaces anthropologiques… les élections !

- Olivier Roumieux, page créée le 9 mai 2005 -

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