sites fantômes

mémoires d'outre Web

olivier roumieux - juin 2001 (Archimag)

Tous les internautes ne sont pas gagnés par l'amnésie. Certains résistent et montent des projets pour figer quelques clichés de la Toile. Ces initiatives sont encore isolées et bien fragiles.

Steve Baldwin a mis en chantier son projet de conservatoire des "sites fantômes" (Ghost Sites) pendant l'été 1996. Durant une ballade en mer, il eut soudainement la vision d'un Web abyssal dans lequel disparaissaient tous les sites qu'il appréciait à l'époque, sans aucun espoir de retour. Il eut alors l'idée de créer un site qui dénicherait et signalerait tous ces esquifs à la dérive dans le cyberespace. Qu'est-ce qu'un "site fantôme" ? Un site toujours accessible, mais plus mis à jour depuis des lustres, à la dérive en somme. Un site qui n'en demeure pas moins un fragment de l'Internet. Des réminiscences des temps passés (pas si anciens tout de même) qui auraient résisté au couperet de la suppression et de la déconnexion serveur.

boules de couleur

On trouve ainsi certains sites qui préviennent l'internaute perdu qu'il lui faut la dernière version de Netscape pour consulter son site, à savoir la 2 ! Le site de Baldwin est aussi l'occasion de contempler quelle était l'esthétique dominante il y a quelques années. Sur le site de Fatass.com (nous ne traduirons pas), créé par une bande de jeunes version San Francisco, on retrouve, la gorge nouée d'émotion, les superbes fonds gris et les boules de couleur qui servaient à signaler les paragraphes. Le site officiel des Rolling Stones, très consulté au milieu des années quatre-vingt dix, pourrait aujourd'hui faire croire que tout le groupe a été victime d'un crash au-dessus de la Cordillère des Andes, tant le temps semble s'être suspendu dans ces pages web à l'abandon. Malheureusement, Ghost Sites semble être lui aussi victime de la houle du Web, puisque de nombreux liens sont désormais "brisés" ou redirigés vers les sites des repreneurs. C'est pourquoi Steve Baldwin change légèrement de stratégie avec son nouveau "museum of e-failure" (le musée des e-checs) qui conserve les pages d'accueil de valeureuses start-up tombées au e-combat. Il compte reprendre ses analyses de sites fantômes quand le calme sera revenu sur le front netéconomique (" when the carnage cools down ").

après la mort

Le projet de David Blatner est, au choix, plus scabreux ou plus altruiste : il se préoccupe du sort des sites web après la mort de leur créateur. Il dirige une association à but non lucratif, Afterlife, dont le but est d'archiver les pages web des internautes qui souhaitent assurer la postérité de leur oeuvre après la mort. Pour l'instant, pas grand chose à voir sur le site, si ce n'est un appel aux donateurs et aux bénévoles pour permettre le développement du projet. Mais s'il n'est pas abouti, ce dernier suscite déjà des questions intéressantes : à qui appartiendra le site archivé, les descendants auront-ils un quelconque droit de regard, y aura-t-il des options disponibles pour distinguer sa concession ?

classification Dewey et Yahoo!

Autre initiative intéressante, Ibiblio collecte des fonds documentaires électroniques libres de droits, principalement des logiciels libres dans la mouvance de Linux, mais également des sites web - qui ne sont pas tous fantômes - dupliqués sur leur serveur et organisés selon une classification inspirée de celles de Dewey et de Yahoo! Le projet est ancien puisqu'il a démarré en 1992 à l'Université de Caroline du Nord sous le nom de Sunsite et semble toujours bien vivant. On y trouve quelques perles devenues rares, comme le WebMuseum du jeune polytechnicien Nicolas Pioch, reproduisant des peintures du Louvre bien avant que le célèbre musée ne fasse ses premiers pas sur le Web.

www.disobey.com/ghostsites
www.afterlife.org
www.ibiblio.org

- Olivier Roumieux, page créée le 1er juillet 2001 -

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