hauts débits

l'enjeu de la boucle locale

olivier roumieux - avril 2001 (Archimag)

Que ce soit pour la dégrouper ou bien pour la transformer en ondes radio, la boucle locale est l'objet de beaucoup d'attention de la part des industriels. A la clé, des communications plus rapides pour des coûts moindres.

En cette année 2001, tous les internautes, qu'ils soient des particuliers ou des professionnels, ont le regard tourné vers la boucle locale. C'est de ce segment terminal, entre l'abonné et son opérateur, que sont attendues de grandes nouveautés dans le secteur des télécommunications. En terme de tarifs, avec l'émergence de la concurrence que permet l'ouverture de la boucle locale téléphonique, mais également en terme de technologie, avec le déploiement de la boucle locale radio.

libéralisation

Le dégroupage de la boucle locale est en fait la dernière étape de la libéralisation des télécommunications en France. France Télécom n'a déjà plus le monopole des communications téléphoniques à travers le territoire depuis 1998. Ce qui a permis l'éclosion de nouveaux opérateurs de téléphonie, comme Cegetel ou Télé2. Mais pour les communications locales, France Télécom est resté seul maître à bord de ses commutateurs jusqu'au 1er janvier dernier, en théorie. En théorie car l'opérateur traîne encore des pieds, au point de se faire rappeler à l'ordre par l'ART, l'Autorité de régulation des télécommunications. Cette dernière enclenche le processus de concertation autour du dégroupage de la boucle locale en février 2000. Celui-ci aboutit en octobre à une série de recommandations visant à la mise en œuvre de l'ouverture de la boucle locale à des opérateurs concurrents. En novembre, France Télécom publie son offre de référence à destination des compétiteurs. Une offre dont certaines dispositions sont immédiatement jugées abusives par ces derniers, tant en ce qui concerne les tarifs proposés que les modalités pratiques de raccordement. Car il faut bien comprendre qu'un tel processus implique concrètement que France Télécom ouvre les locaux abritant ses répartiteurs à de sauvages concurrents. Qui pourraient se mettre à casser la vaisselle, ou tout du moins causer un sérieux tort à ses parts de marché.

l'ART décide de frapper

Entre temps, l'ART qui n'avait qu'un pouvoir consultatif voit ses pouvoirs accrus par un règlement du Parlement européen et du Conseil des ministres du 18 décembre dernier, lui permettant d'imposer ses vues concernant l'offre de référence. Elle ne s'en prive pas, puisque le 8 février, elle décide de frapper en fixant la limite supérieure des tarifs de France Télécom à 95 F pour l'accès totalement dégroupé, 40 F pour l'accès partagé et 708 F pour les frais d'accès au service. Car le dégroupage n'est pas forcément total, certains opérateurs ne souhaitant s'occuper que du transport des données (Internet) et laissant celui de la voix à l'opérateur historique. Ce qui implique l'installation de filtres dans tous les commutateurs locaux. Une belle querelle de chiffonniers en perspective. Car outre les tarifs, l'ART exige plus de souplesse concernant la tuyauterie (création de nouvelles lignes jusqu'aux répartiteurs, adaptation de l'alimentation électrique…). France Télécom se défend de tout blocage en invoquant le nombre de commutateurs en France (17 000) qui l'empêcherait d'en fournir les plans dans les délais demandés et sur la densification de la population française - moins élevée que dans d'autres pays européens - qui implique des investissement plus lourds.

émergence d'offres alternatives

Pour le consommateur - et l'entreprise - le dégroupage va se concrétiser cette année par une baisse de coût des communications locales et par de nouvelles offres ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line) beaucoup plus compétitives. En effet, jusqu'à présent, cette technologie était contrôlée sur la boucle locale par France Télécom, ce qui empêchait l'émergence d'offres alternatives. Les conséquences tarifaires du dégroupage commencent déjà à poindre, avec l'apparition d'offres aux alentours de 300 francs par mois (Mangoosta, Club-Internet et… France Télécom), mais les premiers coups de semonce ne sont pas attendus avant la fin de cette année.
Si l'ADSL vous a surpris l'année dernière (1), la Boucle locale radio (BLR) ne devrait pas vous laisser de marbre. Le principe en est relativement simple : supplanter le réseau filaire du téléphone, sur les derniers mètres de la boucle locale, par une liaison radio-électrique hertzienne. A l'instar de la téléphonie mobile, des relais sont installés en haut d'immeubles dans les villes ou sur des points culminants dans les campagnes pour rediriger les informations à des terminaux… fixes cette fois. L'utilisateur installe quant à lui une petite parabole d'une vingtaine de centimètres pour la réception. Ironie de l'histoire, les communications devraient redevenir tributaires dans une certaine mesure des conditions météorologiques. Les débits annoncés sont élevés - jusqu'à 2 Mbits/s pour les entreprises - mais c'est par sa facilité d'installation que la technologie séduit (2), la destinant particulièrement aux zones rurales, dont certaines ne bénéficieront peut-être jamais de l'ADSL (3).

régions délaissées

Pourtant, la grande majorité des opérateurs retenus ciblent actuellement les entreprises et les zones de peuplement relativement dense. Car là encore il faut bien rentabiliser les investissements engagés ! A tel point que certaines régions (l'Auvergne, la Corse, la Franche-Comté, le Limousin et la Guyane) n'ont pas du tout intéressé les opérateurs et se sont vu attribuer leurs fréquences tardivement, à la fin de l'année dernière. Au final, deux opérateurs (FirstMark Communications et Fortel) ont obtenu une licence nationale et cinq autres (Altitude, Belgacom, BLR Services, Broadnet et Landtel), pour la métropole, en ont obtenu une régionale. Le consommateur peut ainsi faire son choix dans chaque région entre quatre opérateurs : deux nationaux et deux régionaux.
FirstMark Communications est le premier opérateur à avoir tiré en ouvrant la BLR à Nantes dès le 25 janvier. Les tarifs indiquent bien que seules les entreprises sont ciblées pour l'instant : 360 € (2 360 F) par mois pour un débit de 128 Kbits/s, 720 € (4 720 F) pour 512 Kbits/s et 1 800 € (11 800 F) pour 2 Mbits/s. Mais les expérimentations qui ont eu lieu l'année dernière ont montré que les entreprises n'étaient pas les seules à tirer bénéfice de la BLR. La Bibliothèque municipale de Lyon est ainsi un des sites pilotes de FirstMark et dispose d'une centaine de postes en libre accès connectés par la Boucle locale radio à la vitesse de 512 Kbits/s. D'ici la fin 2004, FirstMark ambitionne de couvrir près de 60 % de territoire national. Peut-être sera-t-il arrivé d'ici là près de chez vous…

(1) Une technologie qui date déjà d'une bonne dizaine d'années et qui permet de démultiplier les capacités de transmission du réseau filaire en cuivre de notre bon vieux téléphone. Les premières offres commerciales sont apparues à la fin de 1999.

(2) L'installation des stations de retransmission induit moins de travaux de génie civil que le déploiement de câbles terrestres.

(3) Pour pouvoir bénéficier de l'ADSL, l'abonné ne doit pas être distant de plus d'un kilomètre et demi du commutateur de l'opérateur, ce qui en fait une technologie éminemment urbaine.

+ loin sur l'Internet

- L'Autorité de régulation des télécommunications
www.art-telecom.fr
- La boucle locale radio en France
blr-info.com lien invalide au 08/05/2005
- Firstmark (un des deux opérateurs nationaux de la BLR)
www.firstmark.fr
- Le dossier BLR vu du côté du gouvernement
www.internet.gouv.fr/francais/textesref/bouclelocale.htm
- Mémoire de maîtrise consacré à la BLR (mai 2000)
www.townofsulaco.com/university/oiko/mem/ invalide au 08/05/2005

- Olivier Roumieux, page créée le 1er juillet 2001 -

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