tendance

on se bouscule au portail

olivier roumieux - mars 2001 (Archimag)

Le portail d'entreprise a la cote. Peut-être parce que le concept a su faire la synthèse idéale de besoins exprimés et de techniques employées depuis longtemps dans l'entreprise. Au bon moment.

Cette année encore, le portail d'entreprise va beaucoup faire parler de lui dans les allées et les conférences de Documation (1). Bien que relativement récent -deux ans tout au plus - le terme est en effet sur toutes les lèvres. A tel point que, un peu comme à chaque fois qu'un nouveau vocable connaît un destin marketing brillant, le concept se retrouve galvaudé, pardon, décliné dans toutes les offres des éditeurs informatiques. Au mépris parfois d'un semblant de définition applicative.

les promesses de l'intranet

La portail d'entreprise doit un tel succès au fait qu'il vient concrétiser formellement toutes les promesses que nous avait faites son grand frère, l'intranet, particulièrement sur le plan de l'intégration. Pour les plus anciens, il répond sur le papier en tous points à la vieille antienne répétée de colloques en démonstrations de produits : " la bonne information, au bon moment, à la bonne personne. " Chaque nouveau concept s'inscrit dans cette logique, répondrez-vous. Pourtant, la maturité de certaines technologies (comme le XML, eXtended Markup Language) et l'évolution des matériels (réseaux, écrans graphiques…) permettent aujourd'hui de toucher du doigt le fantasme managérial d'embrasser toute la complexité informationnelle d'une entreprise en un écran.
Le portail arrive également à un moment où, les entreprises s'étant largement équipées en informatique ces dernières années, la quantité de fichiers numériques produits par les employés croît de façon exponentielle. Et le problème de visibilité de l'information que l'on connaissait au travers du papier se retrouve du même coup dans le monde binaire.
Enfin, la fièvre du portail en croise une autre, celle knowledge management. La gestion des connaissances est en effet très en vogue, bien que les travaux qui la sous-tendent soient pour certains relativement anciens (2). Or, l'émergence de connaissance suppose une gestion "intelligente" de l'information. Là encore, les portails sont sur les rangs.
Le portail d'entreprise tire ses origines d'un portail grand public bien connu : Yahoo ! Celui-ci a lancé en 1997 un service intitulé "My Yahoo !" qui offre à l'internaute la possibilité de paramétrer une page d'accueil qui rassemble tous ses centres d'intérêt, que ce soit en terme de sites, d'informations pratiques ou bien d'actualités. Les bases de ce qui définit aujourd'hui un portail d'entreprise sont jetées.
Premier critère d'un portail, l'intégration de contenus hétérogènes, tant dans leur forme que leur origine. On doit pouvoir retrouver sur un portail des informations internes à l'entreprise, comme des bilans d'activité, des inventaires de stocks, des tableaux de bord de gestion, son propre agenda et celui des membres du service dans lequel on est rattaché mais également, pourquoi pas, la date du pot de départ à la retraite du voisin de bureau. A cela doit s'ajouter des informations externes, comme les messages électroniques, les cotations en bourse de certaines sociétés, des dépêches d'actualité classées en thématiques, jusque parfois à la météo du lieu de résidence. Ces sources externes sont intégrées très simplement à l'interface dans certaines offres, par le moyen de modules (des "e-clips" chez Hummingbird, "portlets" chez Oracle) que l'on peut télédécharger directement depuis des sites web dédiés. Les informations rassemblées sur un portail peuvent en outre être structurées (requêtes dans une base de données relationnelle) ou non structurées (pages web).

l'enjeu du middleware

Le second degré d'intégration se trouve au niveau des applications. Le portail rassemble des applicatifs bureautiques, de Ged, de gestion financière, d'ERP (Enterprise Resource Planning), voire de datamining (informatique décisionnelle). A l'énoncé de ces différentes familles, on comprend que la difficulté principale du portail est de "marier la chèvre et le chou", d'arriver à faire dialoguer ces différentes technologies. C'est l'enjeu de ce que l'on appelle le "middleware", toutes les technologies "back office" (par opposition au "front office", sur le poste du client) permettant de raccorder le nouveau à l'ancien et de renforcer la synergie entre les différentes composantes du système d'information. Certains éditeurs, comme IBM, sont plus avancés dans ce domaine. Il est à noter que sur le plan des applications, tous les portails ne proposent pas le même niveau d'interaction : visualiser des données n'est pas la même chose que les traiter en temps réel.
La personnalisation est la deuxième caractéristique du portail. Ce dernier doit pouvoir être paramétré très simplement par l'utilisateur (quand l'administrateur lui en donne la possibilité) pour correspondre le plus justement possible à ses besoins informationnels.
L'information y est mise à jour de façon dynamique, très souvent par le biais d'agents (chez Autonomy par exemple), hérités des fameux "agents intelligents" nés sur Internet. Ces agents recherchent l'information pertinente et, pour certains d'entre eux, affinent leurs critères en fonction de l'utilisation qui est faite des informations ramenées. L'information est également catégorisée, plus ou moins finement selon la solution (Arisem utilise ainsi certaines fonctionnalités de recherche en langage naturel). Les utilisateurs eux-même peuvent être catégorisés, pour former des communautés d'intérêt sur lesquels le logiciel de portail applique des techniques de profilage plus ou moins poussées. Tout cela devant amener, bien que ce ne soit pas une caractéristique native du portail, à des fonctions de collaboration de groupe bien connues des experts du groupware (encore faut-il que le produit s'interface avec l'annuaire, ce qui n'est pas encore le cas de toutes les solutions).
Sur le plan de la recherche d'information, cela part de la simple requête en texte intégral jusqu'à l'emploi de techniques linguistiques, voire l'analyse de corpus par cartographie. Enfin, l'usage d'un navigateur comme logiciel client impose l'emploi de technologies relativement standards. Mais toutes les offres ne fonctionnent pas avec les logiciels de Netscape. Ce n'est bien que sur le nom des produits que les éditeurs font montre du moins d'imagination : "Enterprise", "Information" et "Portal" sont rarement absents du libellé marketing.

fièvre de partenariats

Question offre, il est d'ailleurs très difficile de distinguer les différences entre les uns et les autres. " Pour s'y retrouver, il faut regarder le métier de base de chaque éditeur ", conseille Henri Stiller, directeur du cabinet Histen-Riller (3). Un spécialiste des SGBD-R comme Sybase traitera mieux l'information structurée que la non structurée. Pas si simple. Toutes les sociétés du secteur sont en proie à une fièvre de partenariats, certains compréhensibles car complémentaires (le même Sybase avec Autonomy), d'autres moins (IBM et Plumtree). Toujours selon Henri Stiller, certaines sociétés se positionnent de plus en plus en tant qu'intégrateurs et adoptent une stratégie d'ouverture de leur offre, parfois même aux dépends de leurs propres produits. Ce qui en conduit d'autres à cultiver leur différence, comme le Français Mediapps qui ne se positionne pas seulement comme éditeur de logiciels, mais également comme infomédiaire (intermédiaire en informations).
Selon les cabinets d'analystes, les perspectives financières du marché sont bien évidemment rayonnantes… mais pas toujours concordantes. Sur un plan plus technologique, une grande majorité d'offres utilisent XML comme vecteur principal d'échange d'informations entre applications. Certaines proposent des modes d'accès pour les terminaux nomades et la jeune société toulousaine Idylic s'est même spécialisée dans la diffusion d'informations sur téléphones mobiles et ordinateurs de poche. L'être humain étant ce qu'il est, on parle déjà de "méta" ou "super" portails pour fédérer les quelques centaines de portails qui commencent à encombrer certaines grandes entreprises.

(1) Du 5 au 7 mars, Palais des Congrès (Paris)
(2) Archimag a édité un hors série entier consacré au sujet.
(3) Vient de publier "Le guide du portail".

- Olivier Roumieux, page créée le 1er juillet 2001 -

Valid HTML 4.01! Valid CSS!